Des brides incompréhensibles
I need to feel you.
Non, je ne me ferai plus avoir. Plus jamais. Je suis devenue plutôt douée à ce petit jeu, l’hypocrisie cela fait cinq ans que je la manie avec habileté. Politesse et sourires faux, au diable le respect. Détruire la vie des autres n’est pas du respect à ce que je sache, simplement ai-je appris à me taire. « De toute façon, tu ne changeras plus rien. » mais oui, tais donc ta haine, ta souffrance, caches tes pleurs, après tout ce n’est pas comme s’il te prenait une partie de ta vie.
Détruire ce qu’on a créé, faire souffrir la chair de sa chair et lui imposer des choix d’adultes aux conséquences lourdes sont des choses que je ne comprends pas.
C’est vrai, je ne sais qu’écrire. Je ne sais que taper sur les touches ou bien gribouiller des textes sans sens réel. Mais c’est mon seul moyen d’exprimer ce que je ressens. D’exprimer mes émotions, mes sentiments. Mes craintes. Et si je n’y arrivais pas ? Si tout remontait à nouveau comme cette première fois ? Si les souvenirs venaient me submerger d’un seul coup, faisant s’ébouler ma forteresse, que devrai-je faire ? J’ai évolué, j’ai grandi –trop vite-, jugeant que le passé appartenait au passé. J’ai effacé tant bien que mal certains éléments de ma mémoire mais si elle revient, eux aussi. J’ai peur de ne pas réussir à les contenir au fond de moi, de ne pas tenir le coup et de retrouver cette mélancholie hello darkness my old friend. La distance m’apaise, c’est vrai. Je sais que c’est mauvais pour moi et pour mon équilibre, mais ai-je sincèrement le choix ? Pouvais-je lui dire non ? J’ai appris à aimer ma vie telle qu’elle est, à faire avec les changements qu’on m’avait imposés et aujourd’hui je suis sereine. C'est vrai, il est possible que j’eusse un peu peur car je sais qu’au fond de moi ces images sont gravées, je sais bien que je me souviens de tout et qu’il ne suffirait que d’une petite étincelle pour me faire m’effondrer durant quelques jours. Tout remonterait à la surface, toutes les émotions s’empareraient à nouveau de moi tentant de m’attirer dans ce trou sans fin. En vain, car je gagnerai la bataille.
Le vent s’engouffre dans mes cheveux et fait tourner les pages de mon livre. Au loin les cigognes claquent du bec et les oiseaux chantent. Le soleil réchauffe mon corps et mes souvenirs s’installent sous mes yeux. Je regarde ce jardin et partout je me revois, les années défilent, peu à peu la disposition change, des fleurs apparaissent, le gazon pousse et les jouets disparaissent. La maison me semble empreinte de nous, de nos souvenirs, c'est mon refuge. Je tente d’imaginer ma vie future, loin de ce calme, loin de cet endroit magique et j’ai peur. C’est si beau, si doux de se rappeler notre enfance. J’ai l’impression que rien d’autre ne pourrait exister, que moi sans ces châteaux, sans ces montagnes, sans ces vignes, je ne suis rien. Pourtant, je sais bien qu’il faudra partir, que tôt ou tard je ferai ma valise, laissant cette chambre que j’ai vu se construire derrière moi, mais c’est si douloureux, si effrayant. J’ai conscience d’être peut-être trop sentimentale, voire même ridicule à m’attacher à ce point à cet endroit, mais c’est plus fort que moi, je n’arrive pas à me faire à l’idée de quitter la maison à dix-sept ans, qui plus est pour monter dans cette région que je fuyais tant. La vie nous joue parfois de drôles de tours, et pas des moindres.
Un jour, j'aurai mon Combi et je partirai pour écrire.