Et elle croit que j'ai vu clair ? Mais putain, ça fait huit ans que j'y vois clair. Huit ans que je ferme ma gueule. Dès le départ je l'ai su, je l'ai dit, que cette idylle était vouée à l'échec. Qu'elle se trompait. Qu'il n'était pas fait pour elle. Que ça ne mènerait nulle part. Mais il fallait que je me taise. Que j'accepte. Que je sois polie. Alors j'ai tout ravalé, haine, tristesse, fierté. J'ai tout enfoui, tout enfermé. Et je me suis relevée.
Et puis, il y a ce choix. Elle est partie, et maintenant la voilà qui veut revenir ? Me suivre où j'irai ? Et si moi je ne voulais pas ? Merde. J'avais douze ans, je l'ai supplié de rester, j'ai pleuré toutes les larmes de mon corps, mais elle est partie. Et c'est aujourd'hui qu'elle veut revenir ? Me suivre comme un pot de colle ? Hors de question. J'ai appris à grandir sans elle, à me débrouiller sans elle. Qu'est-ce qu'elle croit ? Qu'il suffit de redébarquer comme ça pour que tout soit comme avant ? Pour que tout aille mieux ? Mais non, non. Ca ne marche pas comme ça. Tout est fini. La famille ? Envolée. Tout a été brisé, moi y compris. J'ai mit des années à me reconstruire. A comprendre ce qui m'était tombé sur la tête du jour au lendemain. Et à présent que j'ai retrouvé un équilibre il faudrait à nouveau qu'elle chamboule tout ? Putain. Tout ça pour ça. Tout ça pour se rendre compte qu'elle s'est trompée, qu'elle a agit n'importe comment. Avoir détruit ce que nous étions tout ça pour ça ? Pour lui ? Pour ce tas ? J'en ai assez. Moi j'avance et elle recule. C'est aussi pour ça que je me réfugie tant dans ma vie, mes projets, mon avenir. Parce que je veux quitter son monde. Je veux m'en éloigner le plus possible. Son monde de bêtises et de regrets. J'ai besoin de cette échappatoire. Ma vie a été détruite à un moment, et je me suis promise de plus jamais laisser personne l’égratigner. C'est moi qui tiens les reines aujourd'hui, et je ne ferai aucun sacrifice pour elle, pour ses histoires, pour son amertume. Je partirai où le vent me portera. Où mon coeur m'amènera. Qu'elle me lâche. Lorsque j'avais douze ans elle a voulu faire sa vie et maintenant elle voudrait me coller ? Trop tard. Le coche a été loupé. Le lien a été brisé. Je n'ai même plus de peine vis-à-vis de tout ça, juste de l’agacement de la sentir se coller à moi alors qu'elle m'a laissée, pour lui. C'est ce paradoxe qui me pèse, cette tendance étouffante qu'elle a alors qu'elle est partie lorsque j'étais enfant. Parce que oui, à douze ans on est encore des enfants. Ses actes m'importent peu au final, qu'elle fasse ce que bon lui semble, j'ai appris à me détacher de tout ça, à vivre ma vie, mais qu'elle ne s'avise pas d'empiéter sur la mienne.
Je crois qu'au fond ce sont des réponses que je cherche. Je voudrais comprendre ce lien, cet apport. Plus je lis et moins je me sens seule dans cette fascination. D'autres on ressenti la même chose, d'autres aussi ont cet Amour inconditionnel, ce besoin irrépressible de leur présence. Et quand je vois des gamins malades se sentir mieux grâce à eux je suis émue au plus profond de mon être. Parce que je sais. Je sais à quel point c'est vrai. Et leurs preuves scientifiques ne sont rien en comparaison de ce qui se passe réellement, à l'intérieur. Tous leurs mots compliqués, ils ne sont rien face à ce qui se passe vraiment. Parfois je m'inquiète d'ailleurs, serais-je capable de contrôler mes émotions ? De gérer mon histoire personnelle ? Je trouve ça si beau, si touchant. Et puis, ça m'aide. Ca m'aide à continuer d'y croire. Même si j'ai terriblement peur de ne pas être à la hauteur, je sais que c'est ça que je veux. Quel contraste. En faite je crois que la principale difficulté sera d'ordre personnel, il faudra que j'apprenne à faire face, à ne pas me laisser submerger par mes élans d'émotions, que j'apprenne à ne pas confondre mon histoire et celle que je construis. Ce sera aussi un travail sur moi-même, et, quelque part, une façon de continuer à faire vivre cette Amitié. Il y a vraiment des fois où je me demande si je suis normale, tirer autant de force, autant de détermination, d'un si petit être. De sept kilo de chair. Bâtir une vie sur une promesse. Tomberais-je de mon nuage un jour ? Une réalité s'imposera-t-elle à moi ? Pourrais-je le supporter ? Moi qui me suis nichée dans cet Amour pour fuir l'enfer. Oui, c'est comme ça que j'ai tenu. Que je me suis relevée. En me réfugiant en eux. Je me sens bien avec eux. Apaisée. Si forte et si fragile à la fois.
Et puis, ça va bientôt faire un an, un an que j'ai dis oui, un an qu'elle est partie. Ca aussi ça fait mal. Ca me rappelle qu'on me les prend à chaque fois. Qu'on me prend ces vies qui font la mienne. J'ai beau les aimer de toute mon âme, ils partirons toujours avant moi, et c'est là le drame de ma vie. Car sans eux je ne pourrais pas, mais leur perte sera toujours une tragédie pour moi, une part de mon coeur arrachée. Mais c'est peut-être le prix à payer pour les avoir dans ma vie. Après tout, ils m'apportent tellement que je ne peux peut-être pas recevoir tout ça sans en payer de moi-même en retour.

Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire